APRES LE SORDIDE, L’ENVOLEE VERS LES CÎMES : ANTONIO GAUDÍ
Dans un temps où les discours les plus ronflants sur la démocratie, la défense des pauvres, les vertus de l’égalité et les charmes souverains du socialisme, servent à dissimuler les calculs et les ambitions les plus sordides, le cynisme avéré et la bêtise doctrinale achevée, à force d’abstractions idéologiques associées à la démagogie, j’ai voulu terminer ce mois de novembre, à quelques semaines de la naissance du Christ, par le portrait d’une sorte de saint laîc (laîc pour le moment, car on me parle d’un dossier de béatification en cours à Rome) : celui d’Antonio Gaudí, le génial architecte catalan, auteur de la basilique de la Sagrada Familia à Barcelone.
Ce qui nous donnera l’occasion d’une nouvelle réflexion sur la dimension anthropocosmologique d’une destinée.Cette petite étude est inspirée par l’article publié par un discret et anonyme “moine bénédiction” dans “L’Homme Nouveau” N° 1544 du 08 juin 2013. Hommage soit rendu tant à l’auteur de cet article qui m’a beaucoup touché, qu’au titre qui a eu l’excellente initiative de le publier.
Elle est complétée par ce que j’ai pu découvrir sur internent, notamment dans la biographie qui lui est consacrée sur “Wilkipédia”.
Arrêtons-nous un moment sur le thème natal avant d’explorer un peu cette biographie.
Le sujet est né le 25.06.1852, près de Tarragona, officiellement à 09.30, sous le signe du Cancer avec un Ascendant Lion.
Je dois dire à ce sujet que je soupçonne l’heure de naissance de Gaudí d’avoir été “arrondie” à la demie. Je pense qu’il est né environ un quart d’heure avant, ce qui placerait l’Ascendant en orbe du carré à SATURNE, accentuant ainsi tout un aspect de sa destinée. D’autres raisons encore me poussent même à lui attribuer une naissance à 09.14 au plus tard, avec un Ascendant à 20° Lion et un MC à 25° Taureau. J’indiquerai ces raisons le moment venu.
Le Cancer et le Lion, sont deux signes d’Eté : ils évoquent la force d’une personnalité qui tend à se construire, à développer les moyens qui lui ont été attribués et à s’affirmer. Notamment dans le domaine collectif et social (au sens large) puisque le Cancer où se trouve le Soleil (maître de l’Ascendant ne l’oublions pas) occupe la Maison XI.
Le sens de la famille et l’attachement à ses valeurs et traditions sont au fondement de la personnalité de cet homme. Mais, grâce à la Maison XI, il leur donnera une portée beaucoup plus large, à la fois plus sociale, très humaine et, en même temps, religieuse et mystique comme nous allons le voir.
Nous aurons un jour l’occasion de faire un parallèle avec le thème de Simone Veil, elle aussi Cancer Ascendant Lion, mais qui a développé son intérêt pour les valeurs familiales et les enfants dans une tout autre direction pour le plus grand bonheur des quelques millions de futurs bébés qui ont été – et qui seront encore pendant longtemps – assassinés dans le ventre de leur mère grâce à sa très haute conception de la vie.
Quant à l’Ascendant Lion – dans le contexte – il fait de Gaudí, sinon une force de la nature au plan physique puisqu’il aura une santé chancelante tout au long de son enfance et de sa jeunesse, il fait de lui un créateur inépuisable en tant que spécimen paradigmatique du type “Passionné” tel que décrit par la Caractérologie de Le Senne et que Barbault traduit de cette manière:
” Le Moi cherche à se manifester dans une sorte d’expansion vitale qui peut aller jusqu’à l’hypertrophie tyrannique de la volonté” – écrit-il – “sentiment de grandeur, surestimation de soi, cambrure, orgueil, besoin de prestige, caractère magnanime, altier, droit; ambition réalisatrice, mobilisation des forces intimes dans la plus haute tension intérieure, au service d’une passion maîtresse, d’un idéal dominant qui devient l’âme de sa vie, le centre de son existence; sens du commandement, du pouvoir, des responsabilités. Risque d’inflation du Moi, souvent dans l’identification à sa profession, son titre, sa mission….avec exhibitionnisme, masque social dévorant l’individualité…etc….etc….”.
Bref, si on prend ce texte au pied de la lettre, pour ce qui est de l’ambition Gaudí ressemblerait à Napoléon, et pour ce qui est du sens de l’épate ou de la gloriole, on serait plutôt du côté de Raimu….
La suite de cet article vous montrera qu’à très peu de chose près (le côté un tant soit peu catégorique et direct, quelquefois cassant de son caractère) vous pouvez gommer chez Gaudí tout ce que ce portrait peut présenter d’excessif voire de caricatural dans ce portrait du “Lion” type “Passionné”. Quant à “l’inflation du Moi” nous verrons comment elle fut canalisée et maîtrisée vers les voies de la créativité et celles de la générosité et de la charité, inépuisables, totales chez lui.
D’ailleurs, Barbault – pour en revenir à lui – nuance son portrait du “passionné” en distinguant deux orientations particulières spécifiques au “type léonien” qu’il définit ainsi :
l’Herculéen : ” la puissance s’exerce dans l’étalement horizontal et fait le réaliste; c’est un physique, fort, viril, combatif, porté vers la grandeur matérielle, vivant dans le souci empirique du terrestre qui lui interdit toute sublimation (dominante martienne, jupitérienne)”
l’Apollinien : “la puissance s’affirme dans la tension verticale et fait un idéaliste. Homme d’action, il est héros de l’honneur; artiste, il est discipliné par son soleil intérieur qui fait régner sans partage les puissances lumineuses de la beauté ordonnée, de l’art maîtrisé: la perfection et les splendeurs zénithales. Sa réussite le conduit à la grandeur spirituelle (dominante solaire, saturnienne, uranienne).”
Il va de soi que même si on peut attribuer au “type herculéen” chez Gaudí les qualités indiscutables de réalisme pratique et d’empirisme terrestre nécessaires à l’expression architecturale de son génie; si on peu tout aussi bien lui accorder le goût de la performance (nous en aurons quelques exemples) et le sens de l’organisation, il représente un Apollinien paradigmatique car, toutes les qualités et dispositions que Barbault lui accorde, il les possède; et au plus haut degré. Il va notamment les exprimer dans cette immense et foisonnante basilique qui l’associe, par delà les siècles, aux plus grands des constructeurs de cathédrales du Moyen-Âge, aux architectes du Parthénon ou à ceux des Pyramides d’Egypte. Tous monuments d’abord et avant tout inspirés par une très haute vision spirituelle, esthétique, religieuse.
De ce point de vue la Sagrada Familia n’est pas la seule à émerveiller le monde comme nous le verrons quand nous évoquerons sa reconnaissance par l’Unesco.
Résumons les données de l’existence de l’artiste/ingénieur comme doivent l’être tous les (vrais) architectes..
Antoine est le 5ème enfant de François et d’Antoinette dont trois seulement parviennent à l’âge adulte (Antonio compris) deux autres étant morts en bas âge. Pour les deux rescapés parvenus à l’âge adulte, Antonio verra mourir sa sœur Rosa à l’âge de 35 ans et son frère Franscesc à 25 ans, tout juste diplômé en médecine sans même avoir le temps d’exercer.
Son père (origine vieille famille française d’Auvergne) es le dernier représentant d’une famille d’artisans chaudronniers. Le façonnage du cuivre, nous dit l’auteur de l’article, habituera l’enfant à penser très tôt en trois dimensions,
Epreuves et deuils précoces d’un côté. Mais de l’autre il aura aussi à souffrir d’une très mauvaise santé tout au long de sa jeunesse; en particulier de douloureux rhumatismes qui l’affecteront tout au long de son existence, ce qui n’est pas fait pour rendre la vie plus agréable. Malgré tout il reste donc le seuls survivant d’une fratrie de cinq personnes…
Le mot “fratrie” et ceux de “deuil” et “épreuves” nous ramènent à deux fonction anthropocosmologiques : celle du Cancer d’une part et celle Saturne d’autre part, qui entrent en scène.
Le Cancer d’abord :
Les Gaudí constituent une famille unie où on se sert les coudes devant le malheur. Tout homme est un héritier – c’est la définition même de la tradition quand le mot est bien compris – et le petit Cancer Antonio est parfaitement à l’aise à la place que lui assigne cette longue tradition pour apprendre à “penser en 3 dimensions” comme évoqué plus haut.
Le Cancer – analogique à la “graine”, au “gland”, au “germe”- entraîne toutes les connotations liées à l’archétype des origines, de la race, de la famille, des racines, de la transmission de la vie. Mais il évoque aussi le lieu de la richesse intérieure et de la prise en compte des potentialités de la sensibilité, de l’imaginaire et des forces de gestation à l’œuvre en tout individu.
Gaudí exprimera très bien cette dimension en la précisant de manière que ne désavouerait pas un philosophe de métier. Il ne retient pas les valeurs de l’imagination qu’il attribue aux peuples du Nord, mais revendique hautement celles de “l’image” qui (pour lui) sont le propre des peuples méditerranéens qui “ont un sens inné de l’art et du dessin, qui sont créatifs et originaux, tandis que les peuples nordiques sont plus techniques et répétitifs“
Il affirmait précisément : « Nous, nous possédons l’image. L’imagination vient des spectres. L’imagination est le propre des gens du Nord. L’image est le propre du Méditerranéen. Oreste sait où il va, tandis que Hamlet erre parmi les doutes».
Pour quelqu’un formé au langage philosophique, on reconnaîtra aisément la trace d’une philosophie “réaliste” (Aristote, saint-Thomas) face à l'”idéalisme” qui spécifie la philosophie allemande essentiellement et, par elle, toutes les philosophies qui ont subi son influence.
Nous pourrions aussi traduire cette conception en termes anthropocosmologiques en disant que le Cancer est le lieu d’où sourdent les visions créatrices et la nécessité irrépressible de leur donner vie, tandis que le Lion à l’Asc permet de traduire cette poussée créatrice en images vivantes, en conceptions claires, en projet artistique dont toutes les phases sont perçues et conduites jusqu’à leur parfaite réalisation par l’exercice d’une volonté soudée à l’intelligence.
L’astrologie classique traditionnelle nous a accoutumé à considérer le Cancer comme le lieu de la famille et de la conjugalité et le Lion comme sa conséquence naturelle : la procréation et les enfants.
Sauf qu’ici, les enfants issus de l’inépuisable fécondité du Cancer Antonio, prennent vie en de puissantes créations de pierre. Sait-on (revoilà l'”herculéen” de Barbault !) qu’il avait conçu un gratte-ciel d’une hauteur de 360 mètres, ce qui en aurait fait le plus grand building du monde (l’Empire-State n’étant pas encore construit à l’époque) ? L'”Hôtel Attraction” (c’eut été son nom) ” se serait organisé autour d’une section centrale parabolique plus grande, surmontée d’une étoile, et flanquée de tours secondaires contenant les musées, les galeries d’art et salles de concert, avec des formes similaires à la Casa Milà une autre de ses réalisations. À l’intérieur, il aurait eu cinq grandes chambres, chacune dédiée à un continent. ” On regretterait presque que ce projet n’ai pu être mené à terme à cause de la crise de 29.
Outre cette prodigieuse fécondité et la multiplicité des talents artistiques, Gaudí est aussi un puissant génie technique :
Doté d’une intuition et d’une capacité créative hors du commun, Gaudí concevait ses immeubles de manière globale, mais aussi avec une telle créativité qu’il s’occupait aussi bien des questions structurales que des aspects fonctionnels et décoratifs. Il étudiait ses créations dans les moindres détails, intégrant à l’architecture toute une série d’ouvrages artisanaux dont il maîtrisait lui-même les techniques à la perfection : la céramique, la verrerie, la ferronnerie, la charpente, etc. C’est ainsi qu’il introduisit de nouvelles techniques dans le traitement des matériaux, comme son célèbre trencadis, fait de pièces de céramiques cassées.
Après des débuts influencés par l’art néogothique, comme par certaines tendances orientalistes, Gaudí aboutit à l’art nouveau (modernisme catalan), à l’époque de sa plus grande effervescence, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe. Cependant, l’architecte de Reus alla au-delà de l’art nouveau orthodoxe, créant un style personnel basé sur l’observation de la nature, ainsi que par l’utilisation de surfaces géométriques réglées comme le paraboloïde hyperbolique, l’hyperboloïde, l’hélicoïde et le conoïde. Bien souvent, ses réalisations ne possèdent pas d’angles droits, et sont ondulantes et asymétriques.
L’architecture de Gaudí est aussi profondément marquée par la recherche de nouvelles solutions structurales, qu’il atteignit au terme d’une vie entièrement dédiée à l’analyse de la structure optimale de l’immeuble, intégré dans son environnement, et synthèse de tous les arts et métiers. Par l’étude et la pratique de solutions nouvelles et originales, l’œuvre de Gaudí trouve son aboutissement dans un style organique, inspiré par la nature, mais qui ne perd rien de l’expérience apportée par les styles antérieurs, une œuvre architectonique qui est une symbiose parfaite de la tradition et de l’innovation. C’est ainsi que toute son œuvre est marquée par ce qui furent les quatre passions de sa vie : l’architecture, la nature, la religion et l’amour de la Catalogne3.“
Si l’artiste se double d’un si prodigieux ingénieur que ses réalisations sont étudiées dans toutes les écoles d’architecture, c’est que chez lui :
Les valeurs de la sensibilité, de l’intuition et de l’inspiration artistique : Cancer, Vénus en Lion, Lune en Balance, s’appuient :
1.sur l’ouverture de l’intelligence, la curiosité, la diversité des centres d’intérêt : MERCURE en Gémeaux, conjoint au SOLEIL en Cancer (sous la maîtrise de la LUNE, elle même placée dans le signe artistique de la Balance comme signalé plus haut)
2.la rationalisation des méthodes, la discipline intellectuelle, le goût pour les sciences appliquées : MARS en Vierge (maître de la Maison IX : le mental supérieur) au sextile du SOLEIL (adaptation entre le but à atteindre, l’œuvre à réaliser et les méthodes et techniques à employer). Plus simplement : harmonie entre conception et action. (Louis XVI avait un Mars de même facture : il était excellent mathématicien, géographe et aussi performant qu’un ingénieur naval). Remarquons au passage de l’accord entre SOLEIL et MARS en fait un chef né, et, comme de plus MARS occupe la Maison 1, on a une petite idée de l’origine d’un caractère franc, direct et loyal, d’un verbe précis et définitif …. quelque peu insouciant des figures de rhétoriques et des circonlocutions diplomatiques dans le rapport avec les autres.
3.Mental supérieur et Maison IX particulièrement structurés avec la conjonction hyper rationnelle SATURNE/URANUS dans le signe de “Terre” du Taureau, signe de bâtisseurs, constructeurs entre tous.
Cette conjonction étant elle même harmonique à la fois à :
a) MARS en Vierge (alliance des qualités de rigueur intellectuelle et d’abstraction – notamment mathématiques et physiques – aux vertus techniques et réalisatrices).
b) VENUS (le sens artistique, l’art de créer des formes) étant à la fois maîtresse de la Lune (sensibilité raffinée) et de la conjonction en Taureau (rigueur technique et scientifique) est la première bénéficiaire de ces éminentes qualités d’architecte/artiste.
En fait la comparaison qui s’impose naturellement à l’esprit ici est celle qui rapprocherait Gaudí des qualités scientifiques et artistiques de Léonard de Vinci qui présente quelques analogies anthropocosmologiques avec son thème : SOLEIL-VENUS en Taureau (qui évoque les astralités que nous venons d’évoquer) – LUNE-JUPITER en Poissons (qui rejoint d’autres astralités que nous n’avons pas encore abordées).
Maintenant, revenons un peu plus haut quand, avoir évoqué les corrélations que m’inspiraient le signe de naissance et l’Ascendant du sujet, je me proposais d’évoquer le travail de SATURNE dans ce thème. Travail exigeant et douloureux s’il en est mais Ô combien ennoblissant.
SATURNE est au carré de l’Ascendant Lion et de VENUS en Maison XII.
Autant dire que, tant sur le plan personnel (et notamment de la santé avec l'(Asc et la mise en exergue de la Maison XII) que sur celui des attachements et affections, on pouvait s’attendre à une vie de déboires et de difficultés.
Nous avons vu comment ces épreuves se sont manifestées : santé délicate, rhumatismes tout au long de l’existence (il s’agit bien une malade saturnienne s’il en est) – deuils successifs et douloureux et bien signalés par la maîtrise de VENUS sur la Maison III (rapports avec les frères et les soeurs). Nous savons qu’il n’en conservera aucun, non plus que sa mère décédée prématurément à l’âge de 57 ans alors qu’il est encore relativement jeune.
D’ailleurs cette malheureuse VENUS ne se contente pas de subir les frustrations et amputations saturniennes. Elle doit aussi faire face :
a) à un carré d’URANUS, qui ne facilite pas les choses en amour, par trop d’exigence ou d’intransigeance en matière affective,
b) à un carré de PLUTON qui associe l’amour à la mort, la passion à la destruction, etc….je ne vais vous rappeler tout le clavier des déboires auxquels on peut s’attendre avec les dissonances vénusiennes. Y compris les transgressions et déviations toujours possibles dans de tels cas.
Soulignons simplement, sans trop détailler, que l’association étroite de ces trois principes conjoints en Taureau, forme en elle même, par son carré à Venus, une sorte d’appel à la souffrance et d’ouverture (réussie ou non, et ici elle le fut) à la transcendance spirituelle. Sans faire preuve d’un volonté quelconque d’exagération ou d’irrespect, il y a dans cet aspect quelque chose de la mort et de la Résurrection pour un Chrétien, ou de la mort et transfiguration” pour reprendre le titre d’une œuvre de Richard Strauss son (quasi)contemporain.
C’est pourquoi Gaudí, sans doute “appelé” à une forme de réalisation qu’il ne décide ni ne maîtrise, se sort de tous les dangers qui risquent de l’anéantir. Il a la foi chevillée au corps et à l’âme et ne craint la souffrance, ni les privations. Ses biographes nous confirment que “ [bien que] de nature maladive, sujet dès l’enfance aux rhumatismes, ce qui lui conférait un caractère un peu renfermé et réservé……..adulte, il devient végétarien et adepte des théories hygiénistes du docteur Kneipp. En raison de ces croyances – et pour des motifs religieux –, il se livrait à l’occasion à des jeûnes sévères, au point qu’à plusieurs reprises, il mit sa vie en danger comme en 1894, où il tomba gravement malade à cause d’un jeûne prolongé“
Antonio répond donc à l’épreuve par ce qu’on appelle la “pénitence” (si fort décriée de nos jours où la mode est de “se faire plaisir ” parce qu’on “le vaut bien“). Quand la vie lui enlève ce qui fait le sel et la chaleur de la vie : la santé, les affections, la tendresse de sa mère, la chaleur fraternelle) lui il se prive du nécessaire : la nourriture. Il est difficile de ne pas voir le travail saturnien à l’œuvre dans cette évolution vers l’ascèse, le dépouillement, l’oubli de soi.
“Masochisme, complexe du survivantdestiné à se punir du départ de sa fratrie alors que lui reste bien vivant ” ricaneront peut-être quelques matérialistes freudiens.
C’est ne pas comprendre (faute de la dimension spirituelle nécessaire) le travail de SATURNE dans nos âmes et nos vies. S’il nous dépouille c’est toujours pour nous faire atteindre à une vie plus haute, à une joie plus pure, à un amour plus total, à un niveau de réalisation plus essentiel.
On est à hauteur d’une telle exigence ou on ne l’est pas.
Gaudí l’est :
–la vie il l’infusera à profusion dans son oeuvre (j’y reviendrai)
–la joie, il la trouvera à créer et à donner
–l’amour il le trouvera en Dieu et le fera rejaillir sur les autres, ses collaborateurs, ses ouvriers qui l’appellent “père”. Sans qu’il le sache, je vous le rappelle.
Freud, nous affirme que les œuvres supérieures de l’esprit sont la réponse que nous donnons au exigences du “surmoi” en “sublimant” nos frustrations et en canalisant les énergies (sexuelles bien sûr) inemployées vers quelque réalisation intellectuelle, scientifique, etc…. (je résume)
Il ne lui est jamais venu à l’idée que le mouvement pouvait être exactement inverse : c’est quand l’homme oublie qu’il peut d’abord et avant tout investir dans la dimension plus-que-personnelle de son existence, exprimer ce qu’il a de plus vivant et de plus éternel en lui, quand il néglige de développer sa dimension verticale, qu’il se console dans les activités libidinales, qu’il se livre aux “divertissements” (comme dirait Pascal) du sexe, de la consommation, de la bauge.
Gaudí n’est pas un frustré, pas un névrosé, pas un “constipé” c’est un être pleinement conscient de la direction qu’il doit donner à son existence, pleinement conscient de sa “vocation”, de sa “mission”. Un homme qui renonce délibérément à tout ce qui pourrait l’en détourner et le priver des joies les plus hautes de la création qui, pour lui, n’est qu’une forme particulière de méditation et de prière.
Ce qui prouve que ses choix sont mûrement réfléchis, imposés par un cheminement spirituel intérieur et non imposés par un inconscient refoulé, c’est ce petit passage de sa biographie où on nous explique que : ” L’apparence personnelle de Gaudí (traits nordiques, cheveux blonds, yeux bleus) se transforma radicalement avec le passage du temps : jeune homme, il avait l’aspect d’un dandy (costumes coûteux, cheveux et barbe bien taillés, goûts de gourmet, il allait souvent au théâtre et à l’opéra, il visitait même ses chantiers du haut de sa voiture [on voit bien apparaître ici les qualités superficielles d’un ASC et d’une VENUS en Lion !]. Il passa dans sa vieillesse à la simplicité la plus stricte, mangeant avec frugalité, portant des vêtements vieux et usés, avec un aspect négligé, à tel point qu’on le prenait parfois pour un mendiant, comme ce fut malheureusement le cas lors de l’accident qui provoqua sa mort “
Une fois de plus “Freud a tout faux” comme l’affirme l’excellent petit livre de René Pommier “Sigmund est fou et Freud a tout faux” – Editions de Fallois – décembre 2007.
D’ailleurs son biographe nous le confirmera un peu plus loin dans cet article : Gaudí est persuadé que “toute grande œuvre exige un sacrifice“. D’une profonde religiosité il veut se consacrer entièrement à sa tâche. ; ” il est toujours resté célibataire. Apparemment, il n’a été attiré qu’une fois par une femme, Josefa Moreu, institutrice de la Coopérative de Mataró, vers 1884, mais ce ne fut pas réciproque. Désormais, Gaudí se réfugia dans une profonde religiosité, dans laquelle il trouvait une grande sérénité spirituelle“
Cela ne nous surprend pas car les dissonances SATURNE/VENUS inclinent beaucoup plus au célibat qu’à la gaudriole. Et quand de plus VENUS occupe la Maison XII (comme chez Jean-Paul II par exemple) on a sous les yeux le thème d’un prêtre ou d’un religieux et non d’un brave mari avec une tripotée de maîtresses.
En fait Gaudí est un homme public par son métier et sa gloire, mais de lui même il est fait pour la retraite, la solitude la plus grande : celle du cloître. Et celle de la pauvreté comme le prouve ce nouvel extrait de sa biographie :
” Les années 1910 furent difficiles pour Gaudí, qui connut plusieurs malheurs : en 1912, sa nièce Rosa mourut; en 1914, ce fut le décès de son principal collaborateur, Francesc Berenguer; en 1915, une grave crise économique entraîna la quasi-paralysie du chantier de la Sagrada Família. En 1916, son ami Josep Torras i Bages, évêque de Vic, mourut; en 1917, le chantier de la Colonia Güell fut interrompu; en 1918, son ami et mécène Eusebi Güell mourut. Peut-être pour toutes ces raisons, et parce qu’il était très croyant, à partir de 1915, il se consacra entièrement à la Sagrada Família, se réfugiant dans son travail. Gaudí confiait à ses collaborateurs :
« Mes grands amis sont morts. Je n’ai pas de famille, ni de client, ni de fortune, ni rien. Donc, je peux me livrer entièrement au Temple29 »
Effectivement, les dernières années de sa vie, il les consacre à la « Cathédrale des pauvres » (son nom populaire), pour laquelle il alla même jusqu’à demander l’aumône afin de pouvoir continuer les travaux. Hors de cela, il se livre à peu d’autres activités, presque toutes liées à la religion : en 1916, il participe à un cours de chant grégorien, donné par le moine bénédictin Gregori M. Sunyol au Palais de la musique catalane30.
“Mais“, – me demanderez-vous avec beaucoup de pertinence -, “comment un homme qu’on presse de commandes de tous les horizons, qui réalise des chefs d’œuvre un peu partout, et qui doit donc gagner beaucoup d’argent, peut-il se déclarer “sans fortune” aller “mendier pour continuer ses travaux” et mourir dans un état de “pauvreté” tel qu’on ne le reconnaîtra à l’hôpital où il a été transporté après son accident, que le lendemain et tout à fait par hasard ” ? Bonne question.
Voici la réponse :
” Gaudí habite seul dans sa maison du Parc Güell, puis, en octobre 1925, il déménage pour résider sur le chantier de la Sainte-Famille. Son habillement est pauvre, son menu frugal. Il verse tous ses honoraires à l’œuvre de la basilique. Lorsque la crise économique se fait sentir, il va mendier pour pouvoir payer les ouvriers; mais cette démarche lui coûte beaucoup. Un jour une pauvre femme lui donne une peseta, somme infime, qu’il va tout heureux déposer dans le tronc du Temple “.
Liszt disait qu’il y avait en lui “un franciscain et un vagabond” mais on ne sache qu’il soit mort dans une pauvreté excessive. Chez Gaudí, il n’y pas la robe de bure ostentatoire de Liszt, mais un très réel esprit de pauvreté, associé au génie artistique. Un esprit de pauvreté, de sacrifice et de renoncement qui nourrit le génie artistique. Car c’est l’œuvre de cet amas planétaire en Taureau (PLUTON-URANUS-SATURNE” que d’opérer ce que je nommerai la transsubstantiation des valeurs émotionnelles, affectives mais aussi sensuelles et érotiques de VENUS en œuvre d’art. Avec l’aide de JUPITER comme nous le verrons plus loin.
Revenons à une autre évocation de la personnalité de Gaudí.
“L’enfant n’est pas “brillant” nous dit l’auteur de l’article dans l’Homme Nouveau, “mais il reçoit une solide formation spirituelle“.
Cette évocation du degré de performance dans les études me fait sourire quand je pense à quelques autres cas célèbres, dont celui du curé d’Ars dont les écrits et réflexions révèlent une si profonde intelligence humaine et qui eut tant de mal au départ à apprendre le latin; ou à celui d’Einstein, dont la maman ne savait pas “ce qu’elle allait faire de ce pauvre Albert“. Il y a bien d’autres exemples d’enfants qui, n’entrant pas dans le moule de l’instruction publique, ont été qualifiés de “peu brillants“.
Si on observe soigneusement le thème de Gaudí on s’aperçoit que le couple MERCURE/SOLEIL à la jointure GEMEAUX/ CANCER qui illustre l’appareil psychique conscient du sujet, forme un sextile à PLUTON et un magnifique trigone à NEPTUNE dans son propre signe : les Poissons.
On se doute qu’avec de telles dispositions psychiques
a) curiosité et profondeur, souci de découvrir le dernier niveau de réalité des choses, avec PLUTON,
b) ouverture vers l’infini, l’au-delà des formes et des définitions logiques, la vision poétique, esthétique et métaphysique avec NEPTUNE,
le jeune Gaudí devait avoir autre chose à penser, et surtout à contempler, que sa table de multiplication ou les règles de la grammaire espagnole.
Tout cela ne l’empêche nullement d’entrer à Ecole technique supérieure d’architecture de Barcelone. Il payera ses études en travaillant pour des cabinets d’ingénieurs et d’architectes connus. Parallèlement à ses travaux, il fréquente l’université où il suit des cours de philosophie, d’esthétique et d’histoire. Il s’intéresse aussi au monde de la culture.
L’art, pour lui, doit “chercher son inspiration dans les lois et les modèles observés dans la nature, l’œuvre du Créateur”.
La quête de la beauté deviendra très vite l’unique objectif de sa vie.
En 1878 il obtient son diplôme d’architecte :
A ce moment là :
1.PLUTON flirte avec le MC à 25° du Taureau[1] : sa destinée est désormais scellée
2.NEPTUNE transite son URANUS natal (alliance de la Foi et du Génie personnel ou, mieux encore, l’inspiration ouvrant la raison à ce qui la dépasse sans la nier)
3.SATURNE entre en carré au SOLEIL, ce qui évoque le poids des responsabilités qui vont désormais peser sur ses épaules professionnelles….et qui montre bien qu’on peut “réussir” sous une dissonance saturnienne. Avis aux sceptiques et fatalistes de tout bord. Il est d’ailleurs possible qu’à la même époque Gaudí ait eu à affronter une épreuve. Je ne dispose pas de l’information nécessaire sur ce point.
4.URANUS céleste, lui, transite l’Asc et ouvre à ce génie les portes de l’accomplissement. Il démarre l’étape de sa vie où son génie, libéré des contraintes purement institutionnelles, pourra s’exprimer.
5.JUPITER a rétrogradé plusieurs mois au trigone de la LUNE (qui maîtrise le SOLEIL par le Cancer) : image heureuse de reconnaissance sociale, de fécondité, de réussite et de joie.
Gaudí se fait alors remarquer à l’Exposition Universelle de Paris par la vitrine qu’il a conçue pour un gantier de luxe. Œuvre remarquable…et remarquée par le comte de Güell, à la tête d’une puissante fortune de Barcelone. Le comte entre en contact avec le jeune homme et deviendra très vite un ami et un soutien. Il lui commande la conception d’une série de meubles puis celle de plusieurs constructions dont le célèbre parc Güell.
Mais la vie spirituelle de Gaudí n’est pas négligée pour autant. Grâce à l’aide de ses amis ecclésiastiques il approfondit l’esprit de la liturgie catholique et de la doctrine sociale de l’Eglise.
Car depuis toujours Gaudí a été sensible aux problèmes sociaux de son époque, et notamment aux conditions de vie des ouvriers.
Cependant, au lieu de s’émerveiller des fumeuses idées socialistes ou communistes qui agitent les cervelles de son époque (et de la nôtre) il comprend très vite que ” les profondes contradictions de son temps, ne peuvent pas trouver de solution dans les utopies matérialistes, mais seulement dans la mise en œuvre des la doctrine sociale chrétienne “.
On a vu, un peu plus haut, que cet homme exceptionnel, allant au bout de sa nature généreuse, n’avait pas hésité à s’amputer de ses revenus, à mendier et à mourir comme un clochard pour se mettre en accord avec ses convictions sociales. J’attends que les leaders, cadres et élus des différentes cliques de gauche[2], toutes nuances idéologiques confondues, en fassent de même pour commencer à moins les mépriser. Ce qui sera difficile, j’en conviens.
Mais revenons à son génied’architecte. Gaudí qui n’a écrit aucun livre – mais seulement un ample recueil de notes et de conseils consacrés à ses arts multiples – correspond tout à fait à cette pensée de Victor Hugo qui, dans Notre Dame de Paris, écrit que l’architecture a été la grande écriture des siècles (je cite de mémoire). Il ne donne pas non plus de conférences comme le font nos chefs d’Etat ou nos savants économistes (voir du côté de Nicolas Sarkozy, d’Alain Minc ou ) qui vont enseigner aux autres – et à prix d’or – comment réussir là où ils ont lamentablement échoué eux mêmes. Mais c’est un éducateur né : il ne se lasse pas de commenter sa basilique aux visiteurs. De même dispense-t-il généreusement réflexions et conseils imprégnés de sagesse humaine à ses collaborateurs et disciples.
– On reconnaît là encore la marque du Cancer et du Lion qui sont très doués pour éduquer, nourrir (intellectuellement et physiquement) faire grandir.
Quelque chose le préoccupe : l’énigme de la beauté. Comment est-elle possible ? Sans doute inspiré par Platon, il comprend que c’est à cause du Beau que les choses sont belles. Le Beau, bien entendu, c’est Dieu lui même source de toute beauté, de toute réalité et de toute vérité.
Là c’est VENUS qui s’exprime sur le terrain lumineux, “apollinien” du Lion.
Mais, nous l’avons vu, c’est une VENUS saturnisée. Qui n’en reste donc pas à l’apparence des choses, au “clinquant” au “bling bling”‘ (dirait-on aujourd’hui) au tape-à-l’œil que pourrait favoriser une telle position. Gaudí est fasciné par le Beau mais veut approfondir les “causes” du Beau, l’intention qui le sous-tend (PLUTON) ce qu’il a d’essentiel (URANUS). Il les trouve dans la Cause Première, celle dont dépendent toutes les autres causes : Dieu Lui même.
Remarquons ici que la position de SATURNE en Maison IX (activités intellectuelles, morales, philosophiques et religieuses) et celle de VENUS en Maison XII, celle des épreuves certes, mais aussi celle de la contemplation, de la vie intérieure sont celles du retrait hors des séductions du monde, chez les grandes âmes. Ce qui fait que la vie mystique et religieuse de cet artiste d’exception, alimente, irrigue sa création d’une inspiration réellement lumineuse.
Idée complètement trahie par notre conception relativiste moderne de l’art et de la beauté où l’on ne se réfère qu’à la subjectivité individuelle. Ce qui conduit nos “élites culturelles” à s’extasier devant une giclée de taches de peinture sur une malheureuse toile qui n’en peut mais, un lavabo, un pot de chambre ou un tas de pommes de terre. La beauté dit-il“est la splendeur de la vérité; sans vérité, il n’y a pas d’art. La splendeur attire tout le monde, c’est pourquoi l’art est universel “.
Continuons dans sa biographie. La fin du XIXème siècle voit fleurir un anticléricalisme, voire une persécution de la religion, fort éprouvantes. C’est alors qu’un libraire-éditeur, Joseph Bocabella, laïc mais néanmoins très dévoué à saint Joseph est inspiré par l’idée d’élever un temple consacré à la Sainte-Famille de Nazareth : la Sagrada Familia. Il lance une souscription qui recueille un grand succès. Les travaux peuvent commencer mais survient alors un différent entre l’éditeur et l’architecte primitivement choisi. On est en panne. Mais survient alors un autre épisode “prophétique” : la tante de Bocabella rêve qu’un architecte fera sortir de terre la Sagrada Familia. C’est un jeune homme aux yeux bleus. Bocabella hausse les épaules et se rend à un nouveau bureau d’architectes. L’homme qui vient lui ouvrir la porte est jeune et il a un regard bleu intense qui le trouble profondément. C’est Gaudí bien sûr.
Bocabella a des conceptions des plus classiques. Gaudí une conception d’une originalité inspirée. Le génie de Bocabella sera de lui faire confiance.
Et il aura eu mille fois raison.
Gaudí, en fait, possède un cœur d’ascète lié à une sensibilité d’artiste (ou peut-être est-ce l’inverse ?) et un intellect de scientifique …. Il est sûr que toute grande œuvre exige un sacrifice.Mais nous avons déjà vu tout cela.
Il abandonne donc sa vie facile de jeune architecte à la mode. Il prie d’autant plus et se livre à une ascèse exigeante. Au Carême de 1894, il jeûne de manière si rigoureuse qu’il frôle la mort. Il conçoit la basilique de la Sainte Famille comme ” une synthèse de la doctrine catholique : la Création du monde, le travail de l’homme sur la terre, le passage du royaume des ténèbres au Royaume de la lumière, les mystères de la vie du Christ, les sept sacrements, les sept dons du Saint-Esprit, les béatitudes, la mort, le purgatoire, le jugement dernier, l’enfer et le Ciel ” tout y sera exprimé, révélé, magnifié.
Je passe sur le caractère à la fois apollinien et herculéen (pour reprendre les idées d’André Barbault sur les deux attitudes fondamentales du “Lion”) de l’édifice. Allez sur Google et vous trouverez certainement de quoi vous renseigner et vous émerveiller sur le caractère technique, architectural, symbolique et artistique de cette œuvre originale entre toutes.
Gaudí veut sa basilique ouverte à tous : ” Le portail doit être assez grand, non pas pour l’homme individuel, mais pour toute l’humanité, parce que tous ont une place au sein de leur Créateur “. Pour autant, Gaudí n’a pas toujours bon caractère. Il peut se montrer sec et tranchant. Mais il le sait et le reconnaît :“Avec le tempérament que j’ai, je n’ai d’autre solution que de dire les choses telles que je les vois……Ma force de volonté m’a fait surmonter tous les obstacles, mais elle a échoué sur une seule : la réforme de mon tempérament “.
Nous avons observé les effets d’un Asc Lion associé à la présence de MARS en Vierge. Tout cela ne fait pas dans la dentelle sur le plan du caractère.
Attention, caractère tranchant, ne veut pas dire pisse-froid : il est joyeux et aime la plaisanterie. Simplement il croit devoir dire les choses comme il les pense, sans artifice.
Ce qui émerveille chez lui, c’est son art de révéler à chacun ses propres capacités de travail : “Le travail est le fruit de la collaboration, et celle-ci ne peut être bâtie que sur l’amour. L’architecte doit utiliser tout ce que ses collaborateurs savent et peuvent faire. Il faut valoriser la qualité spécifique de chacun. Il faut intégrer, additionner tous les efforts et les soutenir lorsqu’ils viennent à se décourager. C’est ainsi qu’on travaille avec joie et cette assurance qui rejaillit de la pleine confiance que suscite l’organisateur. Il faut savoir que les inutiles n’existent pas. Tout le monde est utile selon ses propres capacités. Il suffit de découvrir celles de chacun “. Il cultive d’ailleurs, nous dit son biographe, ” l’amour du travail bien fait et recherche la perfection “.
Action saturnienne évidente sur le fond noble, fier et exigeant du Lion
Dans son désir de rendre hommage à la beauté et à la diversité de la Création, Gaudí n’oublie ni les animaux, ni la végétation qui habitent son œuvre comme ils constituent la riche parure de la Terre. On le lui reproche ? Il répond que ces végétaux et animaux sont une représentation de la Vie et le mouvement. La nature créée chante ainsi l’hommage de son Créateur.
Et voilà apparaître la position de JUPITER en Scorpion qui s’oppose à SATURNE/URANUS/PLUTON du Taureau.
JUPITER en Scorpion, je ne peux mieux dire que c’est la puissance vitale et génésique à l’état pur. Affirmation des droits de la vie contre la fatalité de la mort. D’où découlent magnétisme, puissance de volonté mise au service de cet instinct de survie, de ce désir de contrer les forces de dissolution et de décomposition qui appartiennent au Scorpion, centre de cet automne où la végétation disparaît et dont l’acte créateur et procréateur est la manifestation naturelle.
Schématiquement JUPITER en Maison III est chargé dans ce thème de réagir puissamment aux forces d’obstruction, de destruction, de négation, liées au trio Pluton/Uranus/Saturne déjà étudié, de les contrer.
Une première approche met en évidence, la surcompensation créatrice d’Antonio à ces morts à répétition qui frappent les œuvres de chair que constitue l’ensemble de cette fratrie fauchée en pleine jeunesse comme des blés en herbe par l’orage de grêle.
Une seconde montre la puissance de l’intellect (Axe des Maisons III/IX) où se livre cet immense effort de négation des forces de mort, de restauration, de restitution et de pérennisation par la création.
La 3ème évoque la volonté de donner aux nécessités de résister aux forces de mort, une réponse qui ne soit pas charnelle, terrestre mais spirituelle (donc infinie au sens propre) mystique (sphère des affects “Dieu sensible au cœur“) et religieux (Dieu accessible à la raison soutenue par la foi). C’est ce que nous révèlent les harmonies qui rattachent cette si puissante opposition dans l’axe des signes matériels et sexuels entre tous (Taureau/Scorpion) à NEPTUNE en Poissons. En même temps, il faut observer que NEPTUNE est en Maison VII : celle du mariage ! On comprendra mieux ainsi le célibat d’Antonio. Son histoire et l’itinéraire qui en est découlé, font en sorte qu’il doive exprimer la puissance vitale et (pro)créatrice qui l’habite, non dans le mariage charnel mais dans son union mystique avec l’Esprit.
La 4ème réponse c’est que les puissances émotionnelles, sensorielles et érotiques de VENUS qui, de sa Maison XII en Lion, arbitre le terrible conflit entre le Taureau et le Scorpion, puisse exprimer toute sa richesse et sa fécondité.
C’est l’art qui bien entendu sera le vecteur de cette magnifique spiritualisation des forces vitales.
D’où l’architecture pour répondre aux injonctions du Taureau, mais aussi le foisonnement d’animaux et de végétaux qui habitent – plus qu’ils ne décorent – l’ensemble d’une œuvre qui est un hymne élevé à la gloire de l’Incarnation et qui exalte la richesse, la fécondité surabondante, la beauté charnelle de la Création. C’est la puissance génésique du Scorpion qui s’exprime là très fort avec JUPITER, l’amplificateur, le développeur….
Là où Louis XIV exprimait sa puissance vitale tant par ses conquêtes féminines, ses innombrables enfants (légitimes et naturels) que, plus encore, en engrossant la France de cinq nouvelles provinces, en pliant l’échine à une Europe stupidement coalisée contre lui, et en fondant une nouvelle dynastie pour l’Espagne qui voit s’éteindre le rameau rabougri des Habsbourg;
Là où Napoléon épuisait la sienne en conquêtes européennes aussi coûteuses, que destructrices et vaines, la laissant plus petite qu’il ne l’avait trouvée, mais en dotant la France de nouvelles institutions qui lui survivent encore; tous deux possédant un JUPITER/Scorpion assez dominant dans leur thème,
Gaudí, lui, comme tous les grands et vrais artistes, nous offre ici bas et à sa façon, le monde des réalités spirituelles telles qu’il les imagine, dans ses constructions prodigieuses parce qu’improbables, ses sculptures, ses multiples figures et procédés architecturaux et ses fleurs, plantes et animaux de pierre (donc résistantes au temps qui emporte tout) qui peuplent aussi bien sa cathédrale que ses parcs et jardins. Œuvre inspirée, intemporelle et charnelle à la fois, proprement iconique.
Il prie beaucoup, assiste à la messe tous les jours, lie et cite l’Evangile de telle sorte qu’il émeut même les non-croyants. C’est dans cette lecture qu’il puisse l’inspiration de ses personnages de pierre. Pour lui, nous dit le moine qui lui consacre un article dans l’Homme Nouveau, “l’homme sans religion est un homme mutilé. Pour bien faire les choses il faut d’abord l’amour, ensuite seulement la technique “.
Cela se comprend puisque si nous regardons bien le thème d’une manière non plus analytique mais aussi globale que possible, nous observons qu’il s’organise sur un grand “cerf-volant” dont l’axe central est constitué par la fameuse opposition Taureau/Scorpion (que je ne vous redétaille pas) et les ailes sur MERCURE/SOLEIL en Cancer – JUPITER Scorpion – NEPTUNE Poissons :
les valeurs de la foi, de la charité, de la vision métaphysique, comme réponse à l’épreuve, le manque, la perte, l’amputation.
L’élément dynamique de cette figure statique, quasi contemplative, naissant
du désir VENUSIEN de se manifester dans une forme esthétique supérieure et exigeante,
de la volonté martienne de définir l’outil de cette expression,
de la liberté d’inspiration d’une LUNE libre de toute relation dans le thème mais obéissant aux injonction de VENUS (la beauté) puisque située en Balance, et conditionnant les schémas et volontés solaires (Cancer)
Comme on le voit la pensée et l’œuvre de Gaudí peuvent constituer un puissant contrepoison à l’aveuglement technocratique qui a noyé la pensée politique et sociale de notre époque, sous le flot de ses aberrations artificielles.
Exigeant et désireux d’approfondir toutes les formes artistiques exprimant la foi, il suivra une formation de chant grégorien et répond malicieusement à ceux qui s’en étonnent : ” Je viens ici pour apprendre l’architecture “.
Quelle meilleure explication pourrait-on donner pour faire comprendre la secrète unité qui anime la Création dans laquelle le Beau (l’Art et ses diverses manifestations) le Vrai (la Connaissance) et le Bien (l’amour de Dieu et des hommes) s’unissent, se soutiennent et se répondent pour chanter la louange de leur commun Principe.
C’est ainsi que la Sagrada Familia peut accueillir environ 3000 chantres car Gaudí ne doute pas de l’avenir de l’Eglise (ce en quoi il a bien du mérite). Pour lui, tout part du Christ, et tout finira pas Lui revenir au terme de cet effort que les hommes ne peuvent manquer d’accomplir pour retrouver Dieu. C’est ce que chante son architecture : cette foi, cette espérance ou cette conviction si on préfère un langage plus profane. Et son verbe, la force intérieure qui inspire son œuvre sont si communicatives que plusieurs personnes venus d’horizons religieux bien différents se convertiront au Catholicisme après avoir été mis en contact avec son œuvre et l’avoir entendu.
Gaudí mourra renversé par un tramway le 7 juin 1926 vers 18.00, après une journée de travail sur le chantier. Comme son extrême humilité le pousse à s’habiller pauvrement, on le prend pour un mendiant et il est emmené à l’hôpital Sainte-Croix où son identité est enfin reconnue. Les meilleurs médecins se précipitent alors pour le sauver, mais Dieu qui choisit Son heure, en a décidé autrement et il meurt en pauvre comme il l’avait désiré, nanti des derniers Sacrements, après avoir prononcé ces derniers mots : “Mon Dieu, mon Dieu !
” On ne peut éviter de songer aux dernières paroles du Christ en la même circonstance, où à celles de Jeanne d’Arc sur son bûcher : “Jésus ! Jésus !”.
Au moment de sa mort :
a) PLUTON se ballade depuis deux ans au carré de sa Lune natale (maîtresse de la Maison XII : épreuves et maladies)
b) NEPTUNE est en train de passer sur son ASC. N’oublions pas qu’il est Maître du 12ème signe – les Poissons – en analogie avec les grandes épreuves et les grands “passages”. De plus, il est le Maître de la Maison VIII dans le thème : les crises, accidents, la mort…
c) URANUS : le “psychopompe” pour de nombreux astrologues, celui qui conduit les âmes vers leur dernière demeure, est exactement au carré de Mercure
d) CHIRON (que j’utilise peu pour ne pas alourdir la démonstration) est à la conjonction de PLUTON (la mort) à la pointe de la Maison IX (les grands voyages).
e) SATURNE est au carré de l’Asc….ce qui n’est jamais très bon signe
f) JUPITER sort du carré à l’axe III/IX dont il est l’un des pôles dissonants.
g) Mars transite NEPTUNE avec lequel il est en opposition à la naissance (3).
Suivent bien sûr de grandes funérailles publiques (qu’il n’a jamais demandées) et l’ensevelissement dans la crypte de “son” église, à la chapelle Notre-Dame du Carmel.
Grâce à cet article, vous avez peut-être découvert un artiste, un bâtisseur, un organisateur (on dirait aujourd’hui un “manager” avec cette stupide habitude que nous avons prise de polluer notre langue de termes qui nous viennent du pragmatisme et du prosaïsme anglo-saxon) , un “juste”, un homme d’amour et de foi. Un génie et un saint.
C’est sur ce dernier aspect que je veux terminer cet article car Gaudí nous montre ce qu’est la charité chrétienne quand elle n’est pas “devenue une idée folle”. C’est à dire quand elle n’est pas prostituée par les grands démagogues et les sophistes de la pseudo-démocratie qui s’y entendent comme pas un pour s’approprier un langage chrétien et généreux qui servira à dissimuler leur volonté de puissance, leur narcissisme et leur appétit de gain. Quelle que soit leur “étiquette”.
Xavier Kemlin héritier des magasins “Casino”, futur candidat à la présidentielle de 2017 et qui a intenté un procès au pseudo-couple Hollande/Trierweiller pour fraude fiscale (on pourrait y ajouter détournement de fonds publics d’ailleurs, puisque Valérie nous coûte cher et ne représente rien) a pu évoquer, sur une chaîne de TV – Suisse, bien entendu car le terrorisme intellectuel qui règne en France ne l’autorise pas à s’exprimer facilement – le cas d’un élu qui occupe 43 fonctions plus ou moins officielles qui toutes sont rémunérées.
Le thème d’Antonio nous montre aussi ce qu’est le travail de SATURNE dans une existence, quand nous essayons de “suivre notre pente en la remontant” (comme le recommandait Gide…qui se gardait bien de suivre ce principe je crois) c’est à dire de nous consacrer non plus à ce qui satisfait les demandes de notre égo, mais ce qui obéit au travail incessant de l’Esprit sur notre conscience.
Gaudí, la charité chrétienne et la justice sociale, il les a réalisées et vécues au plus près des réalités de son temps. Sur son chantier.
Il n’y a pas de sécurité sociale à son époque en Espagne. Les ouvriers doivent travailler jusqu’à la fin de leur vie s’ils veulent subsister. L’architecte instaure alors un système d’aide mutuelle dans lequel une petite partie du salaire de chacun pourra payer l’ouvrier qui tombe malade. Et, bien sûr, il y participe de sa poche.
Vous vous souvenez qu’il se montre si généreux en de nombreuses circonstances que ses ouvrier l’appellent “Père”‘ entre eux.
La bonté sans la justice n’est que faiblesse et compromission. Aussi lorsqu’un client refuse obstinément de s’acquitter de ce qu’il lui doit, il lui fait un procès. Gaudí le gagne puisqu’il est dans son droit. Mais, une fois payé, il offre l’argent récupéré à une communauté de religieuses dans le besoin.
Il dessine et finance avec ses propres économies une école pour les enfants des maçons qu’il emploie et ceux des familles les plus pauvres du quartier, car ” Les pauvres doivent toujours trouver accueil dans l’Eglise, qui est la charité chrétienne…“
J’arrête là cette évocation qui m’a offert, comme à vous j’espère, un pur moment de bonheur et d’espérance dans la nature humaine. Quand elle veut bien reconnaître sa médiocrité, sa dépendance et faire appel aux ressources de l’Esprit.
[1] Une des raisons qui me font avancer son heure de naissance d’environ ¼ d’heure.
[2] Je n’évoque pas celles de “droite” puisque dans la partie de poker truquée que gauche et droite jouent sous nos yeux pour mieux nous circonvenir à défendre leurs intérêts communs, il va de soi que la “gauche” est du côté des pauvres et du peuple, et la “droite” de celui des riches et des patrons.
(3) Pour les amateurs d’analyse et de correspondances astrologiques, on peut remarquer combien la mort de Gaudi est annoncée dans sont thème. Il meurt renversé par un tramway. D’accord ? Or, un accident de la circulation mettre en cause l’axe III/IX des déplacements, le maître de la Maison VIII (les accidents) éventuellement l’Asc ou le maître de l’Asc et la Maison XII. Or ici nous avons : JUPITER (2ème maître de la Maison VIII et 1er Maître de la Maison IV (la fin de la vie) en Maison III (les petits déplacements) et en Scorpion (8ème signe) formant de nombreuses dissonances dont URANUS, en rapport avec la technique. Mars, 2ème Maître du Scorpion, de la Maison III ici et même de la Maison VIII est en opposition avec NEPTUNE (Maître du 12ème signe) et, ici, 1er Maître de la Maison VIII ! N’oublions pas que Neptune est significateur de la “distraction” ou du “rêve” qui nous coupe de la réalité. Il est plus que probable que Gaudi n’a même pas vu arriver le tramway. De plus MARS (agression, destruction) est près de l’ASC (le sujet lui même) et en Vierge (la santé et la maladie) peut représenter les accidents liés aux armes, mais aussi aux machines et outils de toutes sortes et confirme la mort par accident par une “machine”. Non ?
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